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Bukanga-Lonzo : un verdict attendu ce mercredi dans un climat de «bras de fer institutionnel»
Après plusieurs semaines de procédure tendue, émaillée de vifs débats juridiques et d’affrontements institutionnels, le ministère public a requis le 23 avril dernier une peine de dix ans de travaux forcés contre Matata Ponyo, assortie d’une mesure d’inéligibilité de la même durée et de son arrestation immédiate.
Les réquisitions visent également Déogratias Mutombo, pour lequel cinq ans d’inéligibilité ont été demandés, et Christo Grobler, contre qui le parquet a requis l’expulsion définitive du territoire congolais.
Fait notable : les trois prévenus ont refusé de comparaître, évoquant des raisons de santé ou contestant la régularité de la procédure. Matata, aujourd’hui député national, estime que ses immunités n’ont jamais été levées formellement par l’Assemblée nationale — un point de droit soutenu par un nombre croissant de parlementaires.
Un bras de fer juridique entre la Haute Cour et l’Assemblée nationale
Depuis plusieurs jours, un climat de tension croissante oppose la Cour constitutionnelle à l’Assemblée nationale. Alors que le président de la Cour, Dieudonné Kamuleta, affirme que « l’affaire est arrivée à un point de non-retour » et que « nul acte de l’Assemblée ne saurait bloquer la justice », de nombreuses voix s’élèvent au sein de l’hémicycle pour dénoncer une « violation flagrante » de la Constitution.
L’article 107 de la Loi fondamentale interdit toute poursuite contre un parlementaire sans levée préalable de ses immunités, sauf en cas de flagrance ou de condamnation définitive. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, a appelé à une concertation urgente avec la Cour pour clarifier les responsabilités institutionnelles.
Ce dialogue, toutefois, est jugé trop tardif par certains députés. Lors de la plénière du 12 mai, le collectif C50, soutenu par plus d’une centaine de parlementaires, a exigé l’inscription à l’ordre du jour d’un projet de résolution réaffirmant le respect des immunités de Matata. « Nous ne pouvons rester silencieux face à une telle dérive », a déclaré l’élu Alfred Dibandi Nzondomyo.
83 % des fonds détournés, selon l’IGF
L’accusation repose en grande partie sur le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), selon lequel 83 % des fonds débloqués pour le projet — soit environ 280 millions de dollars — auraient été détournés au profit de la société sud-africaine Africom et d’autres structures jugées fictives. Seuls 34 millions auraient effectivement servi à exécuter le projet.
L’IGF accuse Matata d’avoir orchestré l’ensemble des opérations financières, sans appel d’offres ni consultation des ministères sectoriels concernés, en s’arrogeant un contrôle direct sur les décaissements.
Du côté de Matata, la défense dénonce une procédure expéditive et politiquement motivée. L’ancien Premier ministre, qui a refusé de comparaître à la dernière audience, a saisi la Cour pour contester la légalité des poursuites, se référant à une décision supposée de l’Assemblée suspendant l’action judiciaire.
À l’Assemblée, le malaise est palpable. Le collectif C50 insiste pour que la chambre basse formalise sa position à travers une résolution. Le député Christian Mwando a pour sa part critiqué « l’inertie institutionnelle », fustigeant une Cour qui poursuit les audiences en dépit d’une contestation sur la légalité de sa démarche.
La Cour devra donc trancher dans un contexte tendu, où les enjeux judiciaires croisent des considérations politiques et institutionnelles profondes. Quelle que soit l’issue, le verdict attendu ce 14 mai pourrait marquer un tournant dans les rapports entre justice et pouvoir législatif du pays.
Ézéchiel CTM
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